UX Design et Environnement (extrait 5/5) - Conclusions

20 juillet 2022
5ème et dernier extrait de mon mémoire professionnel "UX Design et Environnement" – synthèse de la phase délivrer et conclusions

Rappel du contexte

Mon projet de mémoire professionnel dans le cadre de la certification UX Design de l’Ecole des Gobelins a consisté en une vaste étude autour de la dimension environnementale en UX Design (voir l’article d’ introduction, la phase de découverte / exploration, la  phase d'analyse et définition et la phase de conception) visant à compléter mes travaux autour d’une démarche d’éco-conception de services ou design de services éco-responsables (voir les articles sur la dimension environnementale en Design de Services).

Ce dernier article de la série « UX Design et Environnement » propose une synthèse et une critique des travaux menés. Celles-ci ont été réalisées au cours de la phase "DELIVRER" du projet, toujours en réponse à la problématique initiale :

«  Comment pourrions-nous déterminer le degré de maturité des entreprises et accompagner leur maturation ? ». 

Synthèse des travaux menés

Par définition l’UX Design est la conception d’expériences utilisateurs pour et avec ces utilisateurs. Cette démarche repose sur la compréhension d’un problème ou d’un besoin humain et la recherche d’une solution qui soit utile, utilisable et désirable pour ces utilisateurs. Quelle est la place de la planète dans cette équation ? Que fait-on des écosystèmes que l’on bouleverse en introduisant des solutions « fabriquées » et « polluantes » ? Quel rôle avons-nous en tant que concepteurs ? Les avis face à ces questions sont variés et ont été mis en exergue au démarrage de mes travaux de mémoire à l'été 2021. La phase d’exploration a permis d’entrevoir un sujet vaste et des démarches connexes passionnantes. Les insights issus des entretiens experts ont été renforcés de manière plus quantitative grâce au questionnaire mis en ligne. Il est alors apparu nécessaire de prendre en considération les visions et besoins des UX designers pour arriver à collectivement intégrer cette dimension dans notre quotidien. Ces travaux ont fait émerger 4 profils d’UX Designers aux sensibilités et aux engagements disparates. L’ensemble de ces profils présente toutefois un point commun : sensibles ou moins sensibles, ils ont besoin d’intégrer toute la mécanique derrière les enjeux environnementaux, de comprendre les causes et conséquences pour trouver du sens et agir ! En effet, nous avons tous des a priori et des niveaux de connaissances variables d’un individu à l’autre. Nous interprétons les informations auxquelles nous sommes soumis et les événements que nous vivons ou auxquels nous assistons parfois de manière très distante (les neurosciences apportent d’ailleurs certainement des éléments intéressants pour comprendre cela !). En agissant sur l’information et la connaissance mise à leur disposition, et en les accompagnant au regard de leurs préférences et perceptions, nous pouvons les embarquer vers une conception plus éco-responsable des expériences utilisateurs que l’on nous confie.

Par ailleurs, à la question « pensez-vous intégrer la dimension environnementale à votre pratique et vos projets à l’avenir ? » 91% des designers interrogés ont répondu « oui » et seuls 9% d'entre eux n’arrivaient pas à se projeter ou restaient extrêmement sceptiques (voir la figure ci-dessous). Il est très probable que d’une part les exemples / succès dans ce domaine et d’autre part les effets de groupes et de normes favorisent à terme l’engagement des plus sceptiques. A un tout petit niveau, il est intéressant de voir le nombre de personnes utilisant une gourde plutôt qu’une bouteille d’eau en plastique, non pas par conviction mais par mimétisme et « effet de mode ». Mais qu’importe les raisons qui pousseront à agir, nous sommes toutes et tous parties prenantes de décisions et de choix de conception qui impactent l’écosystème au sens large.


Dans le cadre de ce mémoire, je m'étais concentrée sur le profil n°2 : Sébastien Lesensible (voir l'article sur la phase de définition). En effet, il s’agit des designers les plus enclins à entrer dans l’action mais aussi les plus démunis en termes de méthodes et d’outils pour le faire. La collaboration avec un groupe d’UX designers à l'automne 2021 a permis d’identifier et de sélectionner une sous-problématique concrète à laquelle ils font face au quotidien dans leur ou face à une entreprise : "comment déterminer la maturité d’une entreprise et l’accompagner dans son processus maturation ?". Nous avons ensuite généré et classé des solutions pour y répondre. Parmi les quick-wins identifiés, un nouveau travail de converge a été mené autour de la matérialisation (sous forme de maquettes d'interfaces) de la solution considérée comme étant l’une des premières briques à créer répondre à la sous-problématique et comme étant la plus désirable, utile, utilisable, faisable, mais aussi responsable aux yeux des designers : "un site éco-conçu de recherche d’outils de diagnostic (à terme d’analyse et de conception) environnemental existants et de collaboration autour de nouvelles méthodes et de nouveaux supports à destination des concepteurs" (voir la phase de conception).

Critique et proposition d'une feuille de route

A l'issue de ce travail de mémoire professionnel, une feuille de route théorique (figure ci-dessous) avait été créée afin de réfléchir aux étapes en cours et à mener, ainsi qu'au partage avec la communauté des designers pour sensibiliser et pourquoi pas créer ensemble un plan d’actions pour l’avenir.


Les tests des premières maquettes d'une solution de recherche d’outils de diagnostic environnemental existants et de collaboration ont par la suite mis en exergue plusieurs critiques :
  • L'outil imaginé en phase de conception nécessiterait un (trop) gros travail d'enrichissement mais aussi de maintenance au jour le jour pour assurer une forme d'exhaustivité des méthodes et outils existants.
  • La création d'un outil en réponse à la problématique initiale est un réflexe d'UX designers à challenger. La création (ou le renforcement) d'une communauté ou encore d'un événement sont par exemple d'autres solutions possibles (et orientées humain) qui ont émergées lors de cette étape.

La solution proposée a donc été remise en question tant d'un point de vue théorique que pratique. Cependant, elle a permis de susciter l'intérêt des designers interrogés et d'ouvrir le débat au sein de la communauté. Interroger la pertinence d'une solution et itérer sont des fondements clés du design qui prennent tout leur sens face à des problématiques complexes et encore peu abordées.

De manière plus générale, ces travaux ont mis en évidence la nécessité de se regrouper autour de ce sujet d’une ampleur considérable (bien au delà d'un mémoire professionnel) et de faire intervenir les experts des démarches connexes. Il nous faut mieux adresser nos besoins en tant que concepteurs engagés (ou en passe de l’être !) mais aussi mieux appréhender les synergies entre les approches comme j’ai commencé à le faire avec l’Eco-conception et le Design Circulaire. Il serait également intéressant de non seulement caractériser des solutions existantes que je n’aurai pas identifiées pendant la durée de ces travaux, mais aussi de constituer un ou des groupes de réflexion / travail pour :
  • Explorer les autres sous-problématiques et besoins des autres personas,
  • Co-construire et tester certains quick-wins pour les mettre rapidement à disposition des autres,
  • Planifier et collaborer autour de projets majeurs,
  • Expérimenter et prouver l’intérêt de ce type de démarche à l’ensemble des acteurs économiques.

Notons ici que l’une des problématiques rencontrées par le persona n°1 Marie Lengagée est justement de collaborer de manière active et en même temps souple avec d’autres designers engagés. De tels profils sont par exemple très présents au sein de communautés telles que les Designers Éthiques. 

Conclusion

Accueil par les UX designers

Ces travaux de mémoire ont reçu un très bon accueil de la part de la communauté des UX designers qui pour la plupart ont montré de la curiosité voire un intérêt réel pour la question de l’intégration de la dimension environnementale en UX Design. Prendre du recul et problématiser sa pratique professionnelle, la philosophie et la démarche qui nous ont été transmises n’est pas chose facile. Beaucoup ont noté le caractère innovant du sujet et l’importance de s’accorder collectivement sur un diagnostic et sur les problématiques associées.

Vers une performance globale des expériences utilisateurs. 

Mes lectures, formations et rencontres ces deux dernières années m’ont permis de jeter un regard nouveau sur mon projet professionnel et de renforcer ma conviction selon laquelle les travaux existants autour du Numérique Responsable, de l’Eco-conception et du Design Circulaire sont des facettes intéressantes à actionner et combiner pour la conception d’expériences utilisateurs plus responsables. Or la question d’un UX Design plus éco-responsable est encore trop souvent ramenée aux travaux en matière d’éco-conception web (GreenUX) ou numérique (GreenIT) pour lesquels ils existent maintenant de nombreux référentiels (voir les liens utiles ci-après). Bien qu’éminemment importants et utiles pour réduire les consommations de CO2 et d’énergie des serveurs, sites web et applications (qui ne cessent de croître), ils adressent la vision numérique de l’UX Design et omettent d’autres dimensions et d’autres parties prenantes clés. La performance environnementale globale d’une expérience utilisateur concerne également la recherche du juste besoin et de l’engagement utilisateur (et non la réponse à des désirs individuels), l’incitation via des options responsables tout au long de son parcours (transports publics, pas de contenant non réutilisable ou non recyclable, etc.), la conception et la production de points de contact eux-mêmes éco-conçus, le recours à des parties prenantes de proximité...

Une petite pierre à l'édifice

Le fait d’appliquer un processus de conception à la question initiale et de positionner les UX designers en tant qu’utilisateurs a permis de :
  • Montrer un état de conscience et d’engagement existant mais disparate au sein de la communauté,
  • Distinguer 4 personas, 5 thématiques de travail et 8 sous-problématiques clés,
  • Focaliser sur la problématique jugée la plus urgente par le groupe de designers sollicités,
  • Cheminer vers une solution concrète, impactante et réalisable à court terme.

Le groupe de designers recrutés pour mener la phase de co-design s’est quelque peu étiolé par manque de disponibilité sur la période requise. Nous avons cependant réussi à aboutir à une proposition intéressante et surtout permettant de questionner la communauté. Il reste bien entendu encore beaucoup à faire car le sujet est vaste et complexe. Il nous faudra y répondre collectivement en utilisant tous les engagements possibles. Il existe par ailleurs des travaux intéressants en Europe comme ceux du Design Council (« Design for the Planet ») ou encore ceux d’un groupe de designers européens (Belgique, Danemark, Allemagne…) qui a créé l'année dernière le SUX – Sustainable UX Manifesto. Nos conclusions s’avèrent très proches en termes de sensibilité et d’engagement au sein de la communauté. Entièrement lié aux Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, ce manifeste a donné naissance à un toolkit maintenant disponible sous Miro. Celui-ci permet de découvrir et comprendre les ODD ou encore de générer des idées sur la manière de les inclure tout au long d’un processus de conception. 

Comprendre les enjeux et les limites de nos fondements anthropocentrés faciliteront la collaboration entre des expertises majeures telles que l’Eco-Conception (produit, service, numérique), le Service Design et l’UX Design, et le Design Circulaire. C’est un pan de recherche-action entier qui s’ouvre à nous. Un temps supplémentaire d’exploration sera nécessaire et surtout…un temps d’expérimentation sera important pour non seulement mieux cerner notre périmètre d’actions mais également légitimer notre démarche. 

Liens utiles :


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